Le contexte Européen
Avec l’augmentation de la production d’électricité à partir de sources renouvelables en Europe, les marchés de capacité deviennent essentiels pour le bon fonctionnement des réseaux électriques. La nature intermittente des sources renouvelables crée des défis en matière de gestion de l’offre et de la demande d’électricité. Ainsi, une gestion efficace est cruciale pour assurer la fiabilité des réseaux.
Le concept d’adéquation de la production est central, désignant la capacité du système électrique à répondre continuellement à la demande, même en cas d’interruptions prévues ou imprévues. Cette adéquation est évaluée en termes de capacité et de fiabilité, influencée par divers facteurs tels que la demande d’énergie, la capacité de production, les interconnexions transfrontalières, et la flexibilité du système.
Les États membres de l’UE sont tenus de surveiller cette adéquation via l’ERAA (Évaluation de l’Adéquation des Ressources Énergétiques Européennes) et peuvent la compléter par des évaluations nationales. En cas de préoccupations, ils doivent d’abord identifier et corriger les distorsions réglementaires ou de marché. Si ces préoccupations persistent, ils peuvent recourir à des mécanismes de capacité temporaires, évaluant d’abord la viabilité d’une réserve stratégique avant d’envisager d’autres types de mécanismes.
Définition du mécanisme de capacité
Le marché de capacité est un mécanisme de marché mis en place dans les systèmes électriques en Europe. Sa fonction est de garantir que la production d’électricité sera suffisante pour répondre aux pics de demande. Ces pics de demande arrivent à certains moments précis chaque année, moments pendant lesquels le réseau électrique est sous grande tension. Ce mécanisme complète donc le marché de l’énergie, où l’électricité est vendue et achetée, en assurant que des investissements adéquats sont réalisés pour augmenter ou maintenir la capacité de production.
Il existe deux types majeurs de marchés de capacité. Le premier est le marché de capacité centralisé ; il repose sur des enchères où les producteurs sont rémunérés pour maintenir une capacité disponible et est géré par une entité centrale comme le gestionnaire de réseau. Le deuxième est le marché de capacité décentralisé, qui permet des contrats bilatéraux ou sur des marchés dédiés, offrant flexibilité et adaptation aux besoins spécifiques des acteurs du marché. En Allemagne, en Suède et en Finlande le type de mécanisme est appelé « réserves stratégiques », qui comme son nom l’indique sont des réserves de capacité prêtent à être utilisées en cas de besoin. En Espagne et au Portugal le « paiement ciblé de la capacité » permet des paiements directs aux producteurs choisis en fonction de leur capacité et leur rapidité.
Tous les mécanismes sur la carte sont approuvés par la commission européenne. Certains états membres supplémentaires envisagent de mettre en œuvre un mécanisme de capacité à l’avenir, tandis que la France envisage de remanier son mécanisme de capacité existant.
Quelques chiffres sur les marchés de capacité européens
Les mécanismes de capacité des États membres sont financés par les utilisateurs du système électrique (par exemple par les utilisateurs finaux via des tarifs de réseau ou des prélèvements, ou par des fournisseurs ou des parties responsables de l’équilibre). Les coûts sont analysés par année de livraison, à la fois agrégés dans l’UE, ainsi que par État membre. En termes absolus, les coûts totaux des mécanismes de capacité ont augmenté en 2022 et 2023. Les paiements totaux pour la fourniture de capacité en 2022 se sont élevés à plus de 5,2 milliards d’euros par an, contre 4,8 milliards en 2021. En 2023, les coûts sont prévus d’augmenter de 40 % en glissement annuel, atteignant 7,4 milliards d’euros. Cela est principalement dû à la hausse des coûts en 2023 des mécanismes de capacité français et italien. En France, l’indisponibilité nucléaire vécue en 2022 a augmenté les prix des enchères de capacité et donc les coûts unitaires projetés du mécanisme de capacité en 2023.
Le graphique ci-dessus montre cette augmentation, il représente les coûts encourus ou prévus pour financer les mécanismes de capacité par unité de demande (2020-2024), et exprimés comme suit en pourcentage de la moyenne annuelle du prix day-ahead dans les États membres respectifs. Du point de vue du consommateur d’électricité, les coûts des réserves stratégiques (en place en Finlande, Allemagne et Suède) sont nettement inférieurs aux coûts des quatre mécanismes de capacité à l’échelle du marché. Les trois schémas de réserve stratégique diffèrent cependant sensiblement en ce qui concerne le paiement moyen aux bénéficiaires, le schéma allemand ayant des niveaux de rémunération beaucoup plus élevés par MW de capacité attribuée.
En ce qui concerne la répartition des technologies rémunérées à travers les mécanismes de capacité dans l’UE, sur les 174 GW de capacité rémunérés en 2022, seulement 5 GW ont été procurés à partir de la réponse côté demande et du stockage par batterie. La part de capacité procurée à partir de ces fournisseurs de capacité non traditionnels est faible par rapport aux technologies établies, mais la part est en hausse constante.
Le futur des mécanismes de capacité en Europe
Bien que primordiaux au bon fonctionnement d’un réseau qui compte de plus en plus de production d’électricité de manière intermittente, les marchés de capacité en Europe on fait l’objet de critiques et de règlementations supplémentaire pour différentes raisons. La première et la plus importante est que l’union européenne ne souhaite pas que ces mécanismes faussent la concurrence et soient compatibles avec le marché intérieur de l’énergie c’est-à-dire qu’ils n’entravent pas les échanges d’électricité transfrontaliers.
Ces mécanismes doivent également être conformes aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et favoriser la transition vers des sources d’énergies renouvelables. Souvent considérés comme des aides d’état, ils doivent être approuvés par la commission européenne. Pour ce faire, l’entité régulatrice de chaque pays doit prouver que le mécanisme qu’il souhaite mettre en place, qu’il soit centralisé, décentralisé ou les deux, ne crée pas de distorsions excessives dans le marché de l’énergie.
Dernièrement les différents grands acteurs européens se sont mis d’accord sur le fait que les procédures d’approbation des mécanismes de capacité doivent être simplifies. Jusque-là très difficile à mettre en place compte tenu des conditions strictes expliquées précédemment, le conseil a proposé des modifications axées sur la rationalisation de la procédure dans le cadre actuel du mécanisme de capacité. Il a également demandé à la commission européenne de présenter un rapport détaillé évaluant d’autres possibilités de simplifier le processus de mise en œuvre de mécanismes de capacité.
Pour donner suite à ces simplifications pour les grands acteurs européens, beaucoup de changement au niveau des marchés de capacité européens sont à attendre. Nous avons déjà des exemples importants comme la Pologne, le Portugal l’Espagne et l’Allemagne. Ces pays sont déjà en train de remplacer leurs schémas d’interruptibilité par des dispositifs de réponse à la demande, dispositifs qui joueront un rôle crucial dans la stabilité des réseaux européens.
Tanguy Deseine | Energy Consultant at Magnus Commodities
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